JEAN DE BONNEBAUD : LA ROMANCE D’UN CHEVALIER CONQUERANT
I/ Le château de Bonnebaud
A la limite occidentale de la chaine des Dômes, à quelques kilomètres de Pontgibaud, sur la commune de Saint Pierre le Chastel se dresse, bâti sur un éperon rocheux qui domine la Sioule le Château de Bonnebaud.
A demi dissimulé dans les feuillages, entre un parc et un jardin à la Française, nous reste à travers les siècles l’un des témoignages les plus authentiques en même temps que des plus originaux de l’architecture militaire du moyen âge en Auvergne.
Formé de courtines rectangulaires du XIVe siècle, allongées du nord au sud, surmontées d’un chemin de ronde comprenant sur l’extérieur une rangée de machicoulis conservés en partie.
Mais aucun de ses quatre angles n’est muni de tour, celles-ci au nombre de trois étant disposées sans aucune symétrie sur les façades est, sud et nord, le côté ouest étant défendu naturellement par la pente du sol au dessus de la Sioule.
A l’est, un donjon carré du XIIe siècle, un des cinq donjons romans d’Auvergne. Au sud une grosse tour du XIIIe siècle où se situe la chapelle du château et au nord une tour ronde du XIVe siècle contemporaine des courtines.
A l’intérieur du quadrilatère, entourant une cour intérieure, les corps de logis sont appuyés au revers des courtines dont une partie des façades ont été modifiées au XVIe siècle. On y remarque deux tourelles d’escalier dont l’encadrement des portes est surmonté de l’écu des Langhac qui furent à la suite des Bonnebaud seigneurs de ce fief de 1465 à1787.
II/ Jean de Bonnebaud
Jean de Bonnebaud est né en 1340 au château de Bonnebaud. Il descendait d’une branche cadette des Bourbon anciens les Blot. Son père Aimon II seigneur de Bonnebaud, grand capitaine fut Bailli des montagnes d’Auvergne.
Dés son plus jeune âge, il fut confié à la cour de Moulin des Bourbon si favorable à ses parents, pour être élevé avec le jeune Louis futur duc Louis II de Bourbon de trois ans son ainé.
Il pu profiter de l’enseignement du jeune prince. Il s’en suivi une profonde amitié qui se traduisit, vu les circonstances, par une fraternité d’arme.
En effet, il faut savoir que depuis 1335 on été au début de la guerre de cent ans où le Roi d’Angleterre Edouard III contestait la légitimité du Roi de France Philippe VI de Valois à la couronne de France et utilisait ce prétexte pour chercher à conquérir son royaume.
Dés son plus jeune âge, Jean de Bonnebaud à la tête d’un contingent important, va s’illustrer lors de l’écrasement des Anglais en 1365 près de Paulaguet qui dépendait alors du diocèse de Saint Flour et par la défaite d’un chef de bande fameux Nicolas DAGORNE et ses deux mille Anglais à Saint-Cirgues canton de la Voulte-Chilhac.
Ces succès eurent pour résultat de consacrer la notoriété de Jean de Bonnebaud et de permettre aux Français de poursuivre tant en Auvergne qu’ailleurs leur œuvre d’assainissement.
Pendant toutes ces années de lutte pour la libération du territoire sous les ordres du duc
Louis II de Bourbon, ce gracieux et vaillant chevalier qui montrait toujours le plus grand courage au combat et s’y tenait toujours au premier rang, ce qui explique son surnom de Bonne Lance, va devenir rapidement un personnage de légende et bien mériter le titre de Grand Capitaine.
En récompense de ses mérites, il sera fait Chevalier de l’Ecu d’Or, Chevalier de la Pomme d’Or et Chevalier de l’ordre de l’Espérance.
Puis il occupera d’importantes charges. Il sera successivement : Maréchal du duc de Berry en Auvergne Sénéchal d’Auvergne, Chambellan du duc Louis II de Bourbon et son conseiller, Chambellan du Roi de France Charles VI et son conseiller, Maréchal du comte de Clermont, Sénéchal du Rouergue puis de Toulouse et d’Albi, Chambellan du duc de Bourbon Jean Ier.
III/ Histoire de l’embuscade
L’évènement dont s’est inspiré le poète Auvergnat Gabriel Marc en 1882 dans son poème Courtoisie s’est réellement passé en février 1388.
Au cours de l’année 1387 le château de Ventadour appartenant à Bernard de Vantadour, seigneur du comté de Montpensier d’Aigueperse fut pris par la trahison de son écuyer Pons du Bois qui facilita au chef routier Geoffroy Tête Noire, l’accès du château moyennant une somme de six mille livres.
Le duc de Berry, frère du Roi de France Charles V, qui avait reçu l’Auvergne en apanage était soucieux des exactions que ces routiers, retranchés dans une forteresse quasi inexpugnable allaient commettre à partir de là, non seulement en Auvergne mais aussi en Quercy, Gévaudan, Bigorre et Agenais.
Pour conjurer ce péril, Jean de Berry ordonna la levée de 400 lances dont il confia le commandement à Jean de Bonnebaud et à Géraud sire de Boutelier.
Les deux chefs ayant réuni leurs contingents, vinrent aussitôt investir Ventadour devenu un véritable repaire de bandits. Mais le siège du château fortement retranché, bâti sur une arête rocheuse inaccessible dominant les gorges sauvages de la Luzège, château fort considéré à l’époque comme un des plus fort de la chrétienté après Carlat allait durer deux ans.
Jean de Bonnebaud qui avait acquis une réputation bien assise de chef habile, valeureux, servi par une chance constante, sans abandonner cette mission allait bientôt être appelé à une autre beaucoup plus urgente.
En effet au cours du siège, la ville de Clermont venait de se trouver subitement en grand danger par la présence au château de Chalusset situé à quatre ou cinq kilomètres de Bourg-Lastic d’un capitaine Anglais redouté, Perrot le Béarnais assisté de son lieutenant Géronnet de Landurant. A eux deux ils pillaient sans merci les campagnes se livrant aux pires excès.
Pour parer à ce danger, le duc Jean de Berry avait une fois encore appelé Jean de Bonnebaud.
Quittant donc provisoirement le siège de Ventadour, il posta sa troupe non loin de Clermont en un passage étroit que l’on croit être la vallée de Villars et par lequel il savait que Géronnet qui avait avec lui quarante lances devait nécessairement passer. Tendant là leur embuscade, ils attendirent. Les forces étaient de part et d’autre égales en nombre car Bonnebaud avait à peu prés le même nombre de lances.
Les routiers Anglais qui cheminaient sans se garder tombèrent dans le piège et sous le coup de la surprise furent tous tués ou capturés.
Le combat terminé, Bonnebaud prend avec ses prisonniers dont Géronnet de Landurant le chemin de Clermont. Mais tout en cheminant, il se souvient de la promesse qu’il avait faite à des dames et demoiselles de Montferrand de leur montrer des Anglais, ce dont elles étaient fort curieuses.
Gracieux et amoureux chevalier, il aimait les dames aussi abandonnant son premier itinéraire, il dirigea sa troupe sur Montferrand où il y eut grande liesse pour célébrer sa victoire.
Ayant confié aux consuls la garde des prisonniers, il reprit aussitôt le chemin de Ventadour dont il s’empara un peu plus tard.
IV/ Le poème de Gabriel Marc poète Auvergnat 1882
COURTOISIE
I
Bonnebaud , bonne lance erre dans la campagne,
Il chevauche à travers les blés de la Limagne
Semblant chercher quelqu’un. C’est un beau chevalier
Qui vient avec Géraud sire de Boutelier
Du Bourbonnais pour faire aux Anglais rude chasse.
Il a vingt ans à peine. Il est fier, plein d’audace
Et charmant. Mais déjà la souffrance d’amour
A pali son front. Or la veille de ce jour
La dame dont le cœur est plus dur qu’une roche
Et qui ne permet pas que Bonnebaud l’approche
Lui dit : Je souffrirais que vous baisiez ma main
Si vous me ramenez un prisonnier demain
II
Bonnebaud, escorté de ses dix hommes d’armes
Ne voyant rien venir, versa presque des larmes.
Devant lui, tout à coup, obstruant les sentiers,
Se dressèrent cinquante Anglais. Sus aux routiers
Cria- t-il, bien qu’il vit la partie inégale.
Le grillon se blottit dans l’herbe et la cigale
Cessa son chant au bruit terrible de l’estoc
Du chevalier brisant les armures. Le choc
Fut sanglant. Bonnebaud tuant d’une main preste
Trente des compagnons, fit prisonnier le reste
Et, suivi des routiers, vers sa dame il revint :
Par la joue un baiser, ma dame, en voila vingt.
V/ Conclusion
Il est regrettable que Jean de Bonnebaud dit Bonne Lance, ce héro Auvergnat de la guerre de cent ans qui a fait l’admiration de ses contemporains, l’admiration de nombreux écrivains et historiens comme Henri Pourrat, Marcelin Boudet, Froissard… ayant combattu sous les ordres du duc Louis II de Bourbon en divers provinces pour libérer le territoire des Anglais puis fait une prestigieuse carrière au service de la couronne de France demeure dans l’oubli.
Alain Bourgeau
(d’après l’étude de Charles Calmard sur le château de Bonnebaud et ses possesseurs)